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Photo du rédacteurFrédéric Mathevet

Chants d’un dépossédé (I)

La chambre des messieurs_résidence sauvage juillet 2020

Galerie huit, Arles_ Août 2020

Sculpture relative ( soleil + rubix cube sur plancher)

« Il s’agit d’une nouvelle attitude qui pousse l’artiste à se déplacer, à se dérober sans cesse au rôle conventionnel, aux clichés que la société lui attribue pour reprendre possession d’une “réalité”. »

G.Celant, Notes pour une guérilla, Flash Art (1967).

La crise sanitaire m’a conduit sur les hauteurs des monts du Lyonnais, puis à Arles à la Galerie Huit.

Elle n’a pas épuisé l’urgence de mon travail. Chaque battement de paupière insiste davantage sur la disparition du monde. Chaque bruissement s’entend comme un dernier souffle.

Plus que jamais, elle m’a forcé à m’équiper léger.

(Germano Celant habite cette réflexion.)

« S’équiper léger » s’accorde à une pratique nomade.


« Après avoir été exploité, l’artiste devient un Guerillero : il veut choisir le lieu du combat et pouvoir se déplacer pour surprendre et frapper. »

G.Celant, Notes pour une guérilla, Flash Art (1967).



Je vous embrasse, prenez soin de vous. (work in progress). Protéodie du dernier souffle sur ruban adhésif, Installation in situ. Galerie Huit, Arles.


La guérilla n’a jamais été aussi nécessaire qu’aujourd’hui parce que la crise sanitaire et son temps mort ont révélé tout ce qu’il y a de cuisant dans le formatage conformiste qui s’impose à notre métier. Guérilla contre l’économie de l’art avec l’art : c’est loin d’être inédit, mais le confinement a bien souligné les erreurs économiques fatales qui construisent notre monde de l’art. Or, s’émanciper de l’économie de l’art et des institutions culturelles aujourd’hui, c’est tacler les habitudes de pensée d’une médiation culturelle surreprésentée et qui témoignent quotidiennement de son incompétence crasse (regardez ces appels à projets qui pullulent autour de la covid et du confinement, sans poser de problématiques sensibles, ils rendent manifestes les modes douteux de leur existence : un « facing » propre au management culturel. Il suffit de changer l’image d’un package toujours désespérément vide.)

Voilà déjà une mauvaise habitude dont il va falloir se nettoyer.


Je vous embrasse, prenez soin de vous. (work in progress). Protéodie du dernier souffle sur ruban adhésif, Installation in situ. Galerie Huit, Arles.

Les artistes ont pris la fâcheuse manie de plier leurs travaux et leurs recherches aux demandes formatées des institutions qui, disons-le une fois pour toutes, n’ont pas les compétences de l’art. Il est exaspérant de devoir perpétuellement justifier les qualités de son travail, sa pertinence, déjà reconnue par ses pairs, toujours comme si c’était la première fois, auprès de personnes dont la seule qualité est de disposer de moyens de productions. Mais ce sont nos moyens de productions !

Ici et là, on trouve sur les réseaux sociaux des pages d’appel à contribution, à participation et à projet où il faut montrer à chaque fois patte blanche autour de thématiques abjectes qui surfent sur l’évènement et sur les marqueurs d’une politique sociétale qui n’a de cesse de transformer les outils descriptifs d’un monde en crise en outils prescriptifs qui, probablement, donnent bonne conscience (même si les cités s’embrasent lentement mais sûrement) et permettent une auto-évaluation auto-satisfaisante. (Comme c’est pratique!)

Ces moyens de productions, si l’on veut envisager un autre monde sensible possible, doivent appartenir aux artistes, sans conditions. Et, ce sont les institutions culturelles qui doivent venir aux artistes (combien d’entre elles, pendant le confinement, ont profité de ce temps pour faire le travail de recherche et d’approfondissement qu’elles auraient à faire ? Combien ont essayé de voir ce qui se faisait dans les marges, plutôt que de s’en tenir aux têtes de gondole qui contribuent à formater le champ de l’art ?)


« Le choix d’une expression libre engendre un art pauvre, lié à la contingence, à l’évènement, au présent [...] »

G.Celant, Notes pour une guérilla, Flash Art (1967).


Je vous embrasse, prenez soin de vous. (work in progress). Protéodie du dernier souffle sur ruban adhésif, Installation in situ. Galerie Huit, Arles.



Il faut donner la pleine possibilité aux artistes d’être les auteurs complets des réponses possibles aux questions sensibles qui se posent. Eux seuls sont les spécialistes du sensible. C’est leur métier. Ils savent sensiblement mettre le doigt où le sensible achoppe, sur les grosseurs malades d’un sensible à la dérive.

On pourra alors oublier les thématiques imbéciles et les injonctions politiques condescendantes qui organisent un monde de l’art, qui, d’une manière ou d’une autre, finit par se faire dévorer par les formes capitalistiques de l’art. Elles s’imposent comme le mètre étalon, qu’il faut vomir.

Inverser ce schéma, où les institutions se mettraient en recherche d’artistes, qui laisserait les moyens de productions aux artistes, où les artistes pourraient reprendre possession des questions du sensible contemporain, de sa fabrique, du réel et de la réalité permettrait d’envisager une vraie « écopraxie » bénéfique à toute la société (du moins temporairement, jusqu’au prochain nœud sensible qui ne tardera pas à se présenter. Heureusement rien ne s’écrit dans le marbre !)


Insecte inconnu écrasé p. 100 du catalogue Magiciens de la terre

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